# 12: La Divine Comédie (La Divina Commedia) – Dante

La Divine Comédie

La Divine Comédie

I- Ça parle de quoi?

Dante marchait dans la forêt quand il se perdit. Là, vint à sa rencontre Virgile, le poète antique, qui le guide à travers les 9 cercles de l’Enfer, les 8 corniches du Purgatoire, et les 7 cieux du Paradis. Là, Dante retrouve celle qu’il aime, Béatrice. La trame est simple et s’étend sur plus ou moins une semaine. Ils rencontreront énormément de monde, artistes, notables de l’époque ainsi que des dizaines de créatures mythiques, dont le diable lui-même.

II- Le personnage principal

Dante Alighieri lui-même (aparté: vous connaissez beaucoup d’auteurs qui sont connus uniquement par leur prénom?). Homme empreint de doute, prêt à apprendre de ses maîtres. Il est aussi plein de courage pour se lancer vers l’inconnu, vers ce monde mystique à la fois fascinant et craint. Il est accompagné à travers l’Enfer et le Purgatoire par Virgile, le poète, à la fois guide, mentor et protecteur. Les deux hommes remettront en question bien des valeurs, en conversant avec divers résidents des cercles de l’Enfer et du Purgatoire. Au Paradis, c’est par Béatrice, la femme qu’il aime, qu’il sera mené. Cet amour (qui meut le ciel et les autres étoiles 😉 ) est un moteur pour Dante, qui fait fi de la fatigue de la marche, des besoins humains, pour suivre sa bien-aimée.

III- T’en penses quoi?

On se rappelle que Dante est le créateur de la langue italienne telle qu’on la connait. De la poésie pure. On constate à mesure de la lecture, que les champs lexicaux changent, le texte est plus sombre dans l’Enfer et plus lumineux au Paradis. Le personnage a évolué et est prêt à accéder à la récompense ultime. Par ailleurs, chaque chant introduit un concept, un débat sur les valeurs morales, sur la politique de l’époque, etc. Il m’a semblé pourtant que cela n’était pas assez poussé (mais la longueur des chants y est pour quelque chose).

Cela mis à part, je ne vous cacherais pas que malgré le fait que les chants soient courts, j’ai mis beaucoup de temps à finir l’oeuvre, en raison de la densité de l’écriture et du fait que le texte est un peu répétitif. Dante marche, il rencontre du monde, mais il ne se passe rien de plus. Tout est dans le style.

À ce sujet, l’une des difficultés éprouvée résidait dans le fait que Dante faisait référence à des personnages de son époque, parfois de façon énigmatique, le fait de devoir se référer aux notes de façon régulière entame un peu l’entrain. Et Dante est aussi le maître de la figure de style, (qui s’en plaindrait?) sauf que les métaphores, euphémismes et litotes rendent parfois la lecture difficile (d’autant que, comme mentionné plus haut, il parle de personnes dont on ignore tout).

Rendons à Dante ce qui lui appartient, en matière de richesse du vocabulaire, et détails descriptifs, l’auteur italien fait partie des meilleurs, il fait généralement partie du canon mondial. Et l’ampleur de cette oeuvre, quasiment la seule qu’il ait écrit, est sans nulle autre pareil.

J’ajouterais que je ne l’ai pas lu en italien, n’étant, hélas, pas rendue à ce niveau dans la langue.

IV- Un petit extrait…

Alors là, gros problème: non seulement ce fut difficile de choisir, parmi tant de poésie, le passage qui représentait le mieux le livre, mais surtout, la Divine Comédie, ce sont 100 chants, et plus ou moins 14 000 vers, un passage de 5 lignes ne rendrait aucunement justice à l’oeuvre. Aujourd’hui amis lecteurs,  je vous gâte, je vous présente un chant au complet. Mon choix s’est arrêté sur un extrait du Purgatoire : le Chant VIII. (Pour la version originale italienne, c’est par ici)

« C’était l’heure où s’empare un désir de rentrer
de l’âme des marins et attendrit leurs cœurs,
rappelant les adieux des doux amis absents,
et qui trouble d’amour le pèlerin nouveau,
lorsqu’il lui semble entendre un son lointain de cloches
pleurant la mort du jour qui s’éteint longuement ;
lorsque, l’oreille enfin devenue inutile,
je m’aperçus qu’une âme s’était soudain dressée,
d’un signe de la main demandant audience.
Elle joignit ensuite et leva les deux paumes,
dirigeant son regard du côté du Levant,
comme pour dire à Dieu : « Tu fais mon seul souci ! »
De ses lèvres jaillit un Te lucis ante
avec tant de douceur et si dévotement,
qu’il finit par me faire oublier qui j’étais ;
et les esprits dévots, aussi pieusement,
firent chœur avec lui jusqu’à la fin de l’hymne,
avec les yeux fixés sur les sphères d’en haut.
Lecteur, aiguise bien maintenant le regard,
car je te rends du vrai si transparent le voile,
qu’il devrait t’être aisé d’en pénétrer le sens.
Comme je regardais la noble compagnie
contempler longuement le ciel en se taisant,
comme semblant attendre humblement quelque chose
je vis surgir d’en haut et descendre deux anges
qui portaient à la main des glaives flamboyants
à la pointe émoussée et privés de tranchant.
Leur tunique semblait plus verte que les feuilles
écloses fraîchement, et leurs deux ailes vertes
la faisaient voltiger derrière eux, dans les airs.
L’un d’eux vint se placer au-dessus de nos têtes,
et l’autre descendit sur la berge opposée,
si bien que les esprits restaient entre les deux.
D’où j’étais, je voyais très bien leurs têtes blondes,
mais l’œil ne pouvait pas supporter leurs regards,
comme une faculté soumise à rude épreuve.
« Ils arrivent, les deux, du giron de Marie,
expliqua Sordello, pour garder ce vallon
contre l’ancien serpent, qui doit venir bientôt. »
Et moi, qui ne savais quel était son chemin,
je regardais partout, et courus me blottir,
glacé par la terreur, contre l’épaule amie.
Sordello poursuivait : « Descendons maintenant
parmi ces grands esprits, et allons leur parler !
C’est avec grand plaisir qu’ils vont vous recevoir. »
En trois pas que je fis, j’étais déjà là-bas,
et j’y vis un esprit qui m’observait moi seul,
comme s’il eût voulu connaître qui j’étais.
C’était à l’heure où l’air devient épais et noir,
pas assez cependant pour cacher à nos yeux
ce qu’il semblait d’abord vouloir nous refuser.
Il s’avança vers moi ; moi, je partis vers lui :
noble juge Nino, quel ne fut mon plaisir,
de voir que tu n’es pas parmi la gent damnée !
Nous n’oubliâmes lors aucun salut courtois :
puis il dit : « Depuis quand es-tu venu chez nous,
sur l’infini des eaux, au pied de la montagne ? »
Je lui dis : « J’ai passé par le triste séjour
ce matin ; mais je suis dans ma première vie,
et j’aspire à gagner par ce voyage un autre. »
Et m’ayant entendu répondre ainsi, lui-même
ainsi que Sordello reculèrent d’un pas,
comme ceux qu’assaillit un trouble inattendu.
L’un courut vers Virgile, l’autre vers un esprit
qui l’attendait assis et lui dit : « Viens, Conrad !
Viens, pour voir ce qu’a fait la volonté de Dieu ! »
Puis, se tournant vers moi : « Par la rare faveur
que tu dois à Celui qui sait si bien cacher
son mobile premier, qu’on n’en voit pas la clef,
quand tu seras chez toi, par-delà l’océan,
vois ma Jeanne et dis-lui qu’elle implore pour moi
au trône où l’innocent est toujours écouté.
Je pense que sa mère a cessé de m’aimer,
depuis qu’elle a quitté les blancs bandeaux des veuves,
Qu’elle ne peut qu’en vain regretter à présent.
Son exemple suffit pour montrer clairement
combien peu, chez les femmes, dure le feu d’amour
que n’entretiennent plus les regards, les caresses.
Le Milanais qui met dans ses armes la guivre
ne lui fera jamais de plus belles obsèques
que celles que le coq lui promit à Gallure. »
C’est ainsi qu’il parlait ; et il portait la marque,
visible sur le front, de la juste colère
qui prend au cœur prudent de façon modérée.
Moi, je portais souvent mon regard curieux
vers le ciel, où tournait l’étoile la plus lente,
comme le fait la roue au plus près de l’essieu.
« Que cherches-tu là-haut, mon fils ? » me dit mon guide.
« Je regarde, lui dis-je alors, les trois flambeaux
dont la splendeur paraît embrasser tout le pôle. »
« Les quatre astres, dit-il, dont la belle lumière
t’apparut ce matin, se sont cachés là-bas,
et tu vois maintenant d’autres qui les remplacent. »
À ce même moment, Sordello lui fit signe
en lui disant : « Vois-tu là-bas notre ennemi ? »
et en pointant du doigt l’endroit qu’il lui montrait.
Au bout où s’évasait la petite vallée,
un serpent s’avançait, pareil sans doute à l’autre
dont Ève prit jadis le fruit le plus amer.
Cet animal abject rampait parmi les fleurs,
tournant parfois la tête et se léchant le dos,
comme les bêtes font, pour se lisser le poil.
Comme je n’ai pas vu, je ne pourrais pas dire
comment prirent leur vol les deux oiseaux célestes,
mais je les ai bien vus l’un et l’autre voler.
Sentant passer dans l’air le vol des ailes vertes,
le serpent prit la fuite ; et les anges revinrent,
d’un vol toujours égal, et reprirent leurs places.
Pendant ce même temps, l’esprit qui s’était joint
au juge, lorsqu’il l’eut appelé par son nom,
ne m’avait pas quitté du regard un instant.
« Puisse, dit-il enfin, la torche qui te guide
trouver dans ton esprit l’aliment nécessaire
pour te faire arriver au suprême séjour !
Si tu veux par hasard me donner des nouvelles
soit du val de Magra, soit du pays voisin,
dis-moi ce que tu sais, car j’en fus le seigneur.
On me nommait jadis Conrad Malaspina ;
je ne suis pas l’Ancien, mais je descends de lui ;
j’épure ici l’amour que je portais aux miens. »
« Oh ! répondis-je alors, je n’ai jamais été
dans votre région ; mais quel endroit d’Europe
ignore-t-il encor sa grande renommée ?
La réputation dont jouit votre nom
a prôné les seigneurs et leur contrée, en sorte
que sans la visiter on pense la connaître ;
et je crois aussi fort qu’en l’espoir de là-haut
que ta noble maison n’est pas en train de perdre
la gloire qu’elle obtint par la bourse et le glaive.
La nature et le droit lui font ce privilège ;
car si le chef pervers met le monde à l’envers,
seule elle marche droit et se rit des écueils. »
« Va donc ! dit-il alors ; le soleil n’ira point
coucher plus de sept fois au lit que le Bélier
lui prépare et lui couvre avec ses quatre pattes,
avant que cette même opinion courtoise
ne se fixe à jamais dans ta tête et se cloue
avec des clous plus forts que les discours d’autrui,
si Dieu ne suspend pas le cours de ses décrets. »

V- Et si on n’aime pas lire?

C’est l’apanage des chefs-d’œuvres de servir d’inspiration: des tableaux, des gravures, des adaptations théâtrales, des spectacles de danse, des lectures (dont une fameuse tournée réalisée par l’acteur Roberto Benigni, des opéras, de la musique classique, de la musique populaire, des bandes dessinées, des films d’animations et même des jeux vidéos (!). Sans parler évidemment des adaptations et multiples références au cinéma, surtout dans le cinéma italien (la plus récente adaptation étant  La Divina Comédia, par Manoel de Oliveira (1991).

Et si tu aimes vraiment lire, tu sais déjà que le thème de la descente aux Enfers a été repris maintes fois, l’ami Dan Brown vient d’ailleurs juste de sortir un roman qui traite de cela.

VI- Anecdotes

Le plus fameux des vers de Dante: « Lasciate ogne speranza, voi ch’entrate » (L’Enfer, Chant III) est utilisé par Buck dans le film d’animation l’Ère de Glace 3 – l’aube des dinosaures.

Fait poétique intéressant: chaque partie de la Divine Comédie se termine par le mot «étoile».

 Pour vous le procurer, suivez le lien:

http://www.leslibraires.ca/livre-affiliation/divine-comedie-la-dante-9782081231559.html/3309d5ff9f75792d69a02ef92b8e8f4b261f64686cf2f3c9058ab95d5bf1dddce207d3bac1a8670b8e7fbb0a324a466a0af895e8c49d82fa1a744d413f47d814/?type=fiche&configuration=1&u=41612

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